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Navigation Intérieure, livre collaboratif d'art et de pensées poétiques, Iren Mihaylova et Nathalie Straseele, 2025.

Synthèse 

Iren Mihaylova et Nathalie Straseele sont deux peintres et poétesses de l’intériorité qui explorent l’Autre dans sa singularité et que la recherche intérieure anime profondément jusqu’à l’exploration d’un nouvel espace commun, à travers leurs propres univers riches en évocations et en symboles, à la fois individuels et collectifs.

 

Le dialogue qu’elles nouent entre ressemblance, perception consciente, condensation et vérité latente ou inconsciente, s’inscrit dans une commune démarche d’adresse à l’Autre, ou l’ôtre, cet Autre altéré, ou le jeu/Je de l’inconscient qu’elles tentent de traduire de différentes façons qui se nourrissent et qui méritent d’être explorées. 

 

Sur la peinture de Nathalie Straseele, d’Iren Mihaylova et le dialogue entre les deux peintres

 

La peinture de Nathalie Straseele se déploie à travers un univers sensible et magique. Chaque coup de pinceau fait et défait une représentation, une vérité préconçue, une ressemblance trop évidente, pour y glisser un rêve, une ambivalence, une rencontre, ou au contraire, un manque de rencontre dans une « nostalgie porteuse », où des couleurs chaudes et froides contrastent tantôt qu’elles se lient dans une gémellité parfaite. Des visages sans corps ou des corps sans visages remplissent des toiles parfois « transversales », de grands espaces qui sont plus des traversées intérieures que de simples supports du représentant.
 

Nathalie Straseele ne représente pas, elle présente. Elle tire l’essence de l’être dans sa singularité, mais une singularité qui touche à une dimension universelle, à la double valence de l’expérience humaine – le semblant, le faire semblant qui relève du jeu, « game » en anglais et « toxique » en allemand, quelque chose d’attrayant mais complexe et ambivalent donc. Les visages font penser tantôt à des images condensées, à des imagos personnels, des asymptotes (ce vers quoi on tend mais que l’on n’arrive pas à atteindre), à des masques de loin, les mêmes qui, chez Iren Mihaylova, prennent une dimension carnavalesque, accentuant la terreur et l’absurdité jadis enveloppées dans un univers de douceur et de rêverie (voir le tableau Le rêve de Narcisse de Mihaylova et le tableau Univers Bolide de Nathalie Straseele). 

Quant à la peinture d’Iren Mihaylova, elle passe de l’altérité à l'altération, ou cet Autre altéré, en faisant état de la passe, ou ce quelque chose qui sait sans que cela se sache, ce qui est la définition même du savoir de l'inconscient, un savoir intemporel qui déforme la spirale du temps. Par des coups de pinceau nets et des couleurs vives, Mihaylova cherche à déployer un univers à la frontière entre rêve et réalité, rêve et douleur, en jouant avec le réseau complexe des ressemblances. Et c’est dans l’intervalle créé par cet emmêlement qu’elle se glisse comme dans un rêve - « Je rêve que je vis » (Stojka) - qui est aussi le nom de l’un de ses portraits représentant une femme africaine, entourée d’une forêt bleue mystérieuse, où de couleurs bleues se reflètent sur sa joue, ou bien, coulent de son menton, s’intercalent grâce à une technique de couteau, d’où rejaillissent de grandes fleures exotiques. (La fleur chez Mihaylova est un symbole typique qui exprime la rhétorique de l’inconscient ou bien, prend une place de sujet principal, où l’identification à la fleur en tant qu’objet de désir et antipode du signifiant (signe de vanité), est centrale (voire Je suis temporelle, Le rêve de Narcisse, Voler de ses propres ailes, etc..)) 

 

Ainsi, le dialogue que les deux peintres nouent et qui s’inscrit dans une commune démarche d’adresse à l’Autre, révèle une problématique qui s’impose, plus qu’elle ne se pose. Elle les taraude, les traque, les obsède : Comment peindre (son) intériorité dans une dimension collective et universelle, en faisant dialoguer le monde complexe de l’inconscient, en alliant expressionnisme, surréalisme et le jeu ludique des impressionnistes dans l’idée de trouver un espace « absolument libre où se rencontrer à plusieurs ». Ce chemin de l’intériorité, tout comme la peinture et l’écriture, étant vécues comme un langage de et vers l’Autre, la peinture en tant qu’espace de déconstruire (pour reconstruire), autorise pour elles un jeu du renouvellement et de pulsion de vie et de mort sublimées et entremêlées. 

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