Versant L'Autre (E.T.)
« Quoi de neuf ? »
Exposition de Nora Ljubanović Evetović
au Centre Culturel de Serbie à Paris
du 21.12.23 à 26.01.24
Galerie
« Pour peindre une rose »
Iren Mihaylova - Photographie
« Il n'y a rien de plus difficile pour un peintre vraiment créatif que de peindre une rose, car avant de pouvoir le faire, il doit d'abord oublier toutes les roses qui ont jamais été peintes. »
Henri Matisse
Jacques Cauda
Sur la peinture
La peau tendre châssis
Il s’agit de peinture, avant toute chose et surtout après toute chose et pendant toute
chose. De peinture et de voir sans idée préconçue. De voir en peignant, comme
Courbet voyait dans l’acte même de peindre. En conséquence, il faut se mettre tout en
entier à la place de l’œil afin de voir le voir, avec la vérité dans le blanc de la main.
Mobile du blanc
Qui porte une distance
Une sorte de fin de règne
Qui rend tout tracé
Noir dans l’image
Pictura loquens
La peinture réunit dans le même geste l’irréconciliable rapprochement qu’il y a entre
le désir et la haine du désir.
Ne peindre que la peau, c’est se délivrer des clefs qui ouvrent la représentation. C’est
redonner une surface au monde par le trou que fait la peinture dans l’image que le réel a
pris pour seul modèle, et à qui elle se substitue. La peau se tient à mi-chemin du visible
et de l’invisible, précisément là où rêve le crime.
Le portrait nous montre les mots que nous sommes devenus. Peindre la peau d’un
visage est à entendre comme une vocalisation.
Avec le geste de peindre ou de tuer, ce n’est pas le fait de produire ou de détruire de
l’être qui est unique, c’est la manière de le faire. L’être produit par le peintre est
univoque avec l’être détruit par les effets de la peinture.
La transmutation de la peau en peinture est davantage fondée lorsque le thème
transformé entretient quelques équivalences avec celui en lequel on le transforme, et il
se trouve ainsi comme sous deux lumières.
Écrire sur la peinture, c’est aussi s’en faire regarder, car « c’est l’œil, dit Edmond Jabès,
qui déclenche le vrai questionnement, l’interrogation des mille interrogations qui
sommeillent dans la lettre » sous les traits d’un regard assassin.
Peindre c’est donner à la mort une peinture du dedans dissoute dans la couleur et la
lumière.
La peau existe à fleur de lin
Dans le plan de l’aire sélective
Que montre toute nudité
Qui s’en dégage
Comme horreur sacrée
Ô l’éclat évanescent
C’est la peau
À l’heure de la peinture
Encore soufflant les noirs et les blancs
C’est la peau
Amie des feuilles
Où s’ébattent les mains
En un instant
C’est la peau
À l’endroit
Du temps
C’est la peau
Tendre châssis quand
C’est fini
Texte et peinture - Jacques Cauda
Forêts Intérieures
Sébastien Souhaité, auteur du revulivre Aucune fleur ne compte, poèmes sur l'absence, Peau Electrique, livre d'art et de poésie, 2025.
un poème taillé à la serpe
au couteau
pour dire le bleu vidé de sa couleur
le soleil vague de sa lumière
pauvre guerre à mener
comme si rien l’absence
à l’arrière-plan de vivre montagne immobile
le châtaigner
les hortensias
et la peur que s’évanouisse
que se consume
se noie
le souvenir
qu’aimer se désagrège