Pirée
Le port interrogeait l’éloignement.
Le cœur jeune ne creusait aucune tombe.
Le vent verbal,
sous le gouvernement de la nuit,
giflait nos silences.
Nous n’obéissions qu’à
tout ce qui excède et excite,
sans rien céder là-dessus.
Tu n’interrogeais jamais Dieu
depuis le sol souverain,
mais cet écrivain américain
trop érotique pour le ciel,
toi, qui te voulais voluptueux.
Fixation inguérissable au large des joies lacustres,
et des garrigues d’un Eden migratoire.
Je sais, depuis,
que
les fantômes n'habitent pas les lieux,
mais les cœurs.
Dexter Gordon, les hauteurs et la fatigue
Mes sentiments me jettent
sur le pavé.
Au café, je me repose
de telles chutes ;
Il est rare que je m’y soigne.
Dexter, je suis sur la rive
où plus rien ne m’arrive.
Les larmes auxquelles
je ne cède pas,
conduisent à une déroute
du cœur,
qui ne vaut pas
endurcissement.
Tes notes sont comme
autant de harpons
qui frappent mon ennui.
Je suis en bout de course,
mais parfois tu me relèves.
C’est que ta musique,
est comme ce whisky
de dernière heure,
quand on se croit au bout,
mais que le bout n’y est pas.
Dexter, ceci est ma lettre que j’ai écrite au désert,
celui où j’ai cherché l’amour et la foi,
mais le désert c’était moi,
comme toutes ces heures autour de minuit,
dont je me relève à peine,
et que pourtant, j’ai vécues.
Ce soir, je me sens comme un pécheur
qui embrasse un ange,
et c’est précisément pourquoi je te dis merci
Dexter,
autour de minuit.
Car c’est en se soustrayant à elle-même que ma vie a progressé,
et c’est en quittant l’enfance qu’elle m’a mortellement blessé.
Dexter,
je suis libéré du constat de ne pas l’être.
Dexter,
être heureux est un raccourci ;
être malheureux aussi ;
Dexter,
qu’est-ce qui ne saurait l’être ?
Dexter,
que faire sur la dernière rive ?
Aux âmes et cætera
Croître dans le corps – autre,
celui qu’on a voulu tordre,
lorsque s’ôte le corps hôte.
L’effroi amphitryon
devant tous les poisons bus,
nul Jourdain où tremper son corps,
aucune île qui ne soit un lot,
au devant d’un soi,
sans plus de corps que les torts,
et sous la voûte des idées,
dont le ciel change comme de pansements :
la proximité est toujours de noces,
avec ce qui éloigne.
Et, puisqu’il faut aller aux âmes et cætera,
j’ai si peu la crainte de vivre
ces derniers temps,
que je m’ennuierais presque
dans ce moi – roseau
qui jamais plus ne se penche ni ne s’épanche.
Son énergie relève d’un numéro de cirque
dans l’autour du corps,
qui n’est plus pris à aucun piège,
autre que celui,
parfois, de le croire.
Textes : Fabien Sanchez
Peinture : Le rêve de Narcisse, Iren Mihaylova, acrylique sur toile, 2023
Pour découvrir plus de textes de Fabien Sanchez et de textes et d'illustrations d'Iren Mihaylova, rendez-vous sur les pages du premier numéro de la revue Peau Electrique en format papier.
Pour découvrir le travail de peinture d'Iren Mihaylova, rendez-vous sur notre site, dans la section « L'Univers Visuel ».
Fabien Sanchez est un écrivain publié aux éditions La Dragonne (romans, nouvelles, poésie). Il se lance actuellement dans l’écriture de scénarios pour le cinéma.
Bibliographie non exhaustive :
Les illusions des vivants, éd. Tarmac, 2019 (poésie)
Un train est passé, éd. La dragonne, 2018 (roman)
Dans le spleen et la mémoire, éd. Les carnets du dessert lune, 2016 (poésie)
Jours de gloire, éd. Al Manar, 2016 (roman)
Le sourire des évadés, éd. La dragonne, 2014 (roman)
J’ai glissé sur le monde avec effort, éd. La dragonne, 2012 (poésie)
Ceux qui ne sont pas en mer, éd. La dragonne, 2009 (nouvelles)
Chérie, nous allons gagner ce soir, éd. La dragonne, 2006 (nouvelles)
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