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À décager du thorax – Romain Candusso − poésie, inédit


je crois fermement m’enferme je crois

que je m’enferme me ment

me tire vers le bas qui blesse me

tire vers la blessure sans haut ni bas

la blessure est nue n’a pas de point pas d’après pas de loin

le corps nu de ma blessure serré dans mon corps

une tête de mort dans la tête

un cadavre à me sortir du corps par l’après du temps

je croîs j’ingère du temps l’entropie le chaos je crois

que le temps n’a rien à guérir

dans la blessure des choses je ne fais que pousser


ce qui ne s’attendait pas à être

ce qui ne s’attendait pas   



l’édifice est pourri dans ses fondations, 

l’air y croupit, l’enfer est bien gardé, 

la croissance s’arrête sous la frappe d’un mot jeté 

dans les failles, rentré dans les nerfs, 

une vibration à contourner, éviter, s’évider sans rien dire   



et le passé fait noyau à travers l’être, 

ne stagne pas, avance avec moi, marche sur 

moi ne stagne pas, avance, marche et se mâche, 

ce que je n’ai plus à être est là 

qui répond présent répond passé ne répond plus 

fable le présent rumine, se rumine, se détermine 

en regardant miroiter le passé, 

les images tapissent le souvenir, s’en détachent, 

recherchent leurs couleurs leurs odeurs 

et le bruit qui s’agite en elles   



l’influence travaille vague après vague 

le cœur dans les images, les miroirs, les 

mirages ; l’influence fait son ravage : 

silencieux s’impose ce qu’aucune parole n’expose, 

vers dans la viande sans conscience 

qui bride froid l’être en plein déploiement replié et ployant   



les gestes ouvrent, irrémédiables, 

rien ne se referme, rien ne se renferme, 

l’échec a ses réseaux, ses raisons et le temps en résonne, 

nos désirs pincés intercostaux des lésions 

à décager du thorax   



un soir, exténué, on se regarde 

désertés un premier instant, un autre, 

sent raviner la pluie en soi, 

ses sensations enrouées de graviers et de débris de bois, 

raccroché au plexus où pèse le bas d’un autre mais 

sans cesse soufflant l’impérieux sans verbe, sans violence — 

quand les gestes ne t’embarquent plus, 

ne bouge pas, ne les porte pas en toi, 

ne les porte pas plus loin en toi, 

dans la vie des fossiles qui ont poussé avant toi, 

t’on fait pousser et sont maintenant à repousser —   



le corps s’approfondit, s’endistance, ses 

sentiments loin devant, au levant, des leviers 

intimant loin des bornes où commence, 

interréel, le conflit aux frontières des forces : 

l’attention tournée vers la tension, 

le corps déterre une musique chaotique, 

les os font échos et harmoniques 

et du bruit s’agite qui veut sa place en elle 

sans se laisser résoudre   



mon nom se disloque d’avoir été répété 

par tant de bouches, de s’être frotté 

à tant de lieux, d’être venu de si loin, 

appelant d’avant ma naissance pour me faire naître, 

me montrer, me donner à sentir qu’il n’était 

que la porte de ma présence, une succion vers absentée de destination   



je suis 

seulement je suis 

l’être indivis extirpé inqualifiable des geôles de l’esprit 

de l’incarcération de l’esprit par lui-même 

limité à l’être illimité perds les adjectifs 

qui me repoussent, me mettent en cellules 

de plus en plus étroites 

jusqu’à ce que je ne contienne plus rien de ce que je suis 

dans les derniers retranchements retranché   



à l’épreuve le récit le mettre le reprendre à la forme à la base 

avant même qu’il ne dise tout reprendre 

avant ce qu’il montre 

repousse et retourne au commun chaotique 

tout contact possible et impossible 

défaire refaire l’expérience refaire l’inexpérience 

dépositionner pour éprouver s’éprouver 

rationnel ce qui est pensé par l’avant de la pensée 

dans l’élagué des constellations, lumières évidées de leurs origines, 

lumières déjà mortes qui ne s’éclairent plus qu’elles-mêmes 

je n’ai pas commencé de voir 

le visible est déjà vu tout vu cache 

mais je veux voir les invisibles qui le travaillent 



magma qui par bulles éclate et d’un changement déséquilibre 

n’ai pas commencé de voir ce déséquilibre 

où le visible à nouveau ouvre la vue


Texte : Romain Candusso.

Photographie : Damien Paisant, 2020.



Romain Candusso est né en 1990 à Annecy, en Haute-Savoie, où il vit et travaille.


Plusieurs publications dans la webrevue  La Vie Manifeste et la revue PLI (n°9 et 10). Entre autres.

D'autres textes peuvent être trouvés sur son site personnel : 



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